Enfant tendant une fleur à sa mère par Théodore Chassériau

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Enfant tendant une fleur à sa mère par Théodore Chassériau

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Théodore Chassériau

Santa Barbara de Samana, 1819 – Paris, 1856

Enfant tendant une fleur à sa mère

Signé et daté Th. Chassériau 1839 en bas à gauche.

Mine de plomb et rehauts de gouache blanche sur papier bleu.

210 x 113 mm – 8 1/4 x 4 1/2 in.

Provenance – Paris, Pierre Bérès, 1976. ; Paris, Paul Prouté S.A., 1977 ; Paris, Louis-Antoine et Véronique Prat à partir de 1977, sous le n° 1729, leur cachet de collection (Lugt 3617) en bas à droite ; Paris, galerie de Bayser en 2017 ; Collection privée.

Expositions – De main de Maître : trois siècles de dessin français dans la collection Prat, cat. de Pierre Rosenberg, New York, National Academy of Design, 1990-1991, Fort Worth, Kimbell Art Museum, 1991, Ottawa, Musée des Beaux-Arts du Canada, 1991, p. 200-201, n° 83 ; Dessins français de la collection Prat. XVIIe, XVIIIe, XIXe, cat. de Pierre Rosenberg, Paris, Musée du Louvre, 1995, Édimbourg, National Gallery of Scotland, 1995, Oxford, Ashmolean Museum, 1995, p. 176-177, n° 71.

Bibliographie – Louis-Antoine Prat, Dessins de Théodore Chassériau (1819-1856), Musée du Louvre, Cabinet des dessins, Inventaire général des dessins, Paris 1980, cité sous le n° 1729 ; Louis-Antoine Prat, Théodore Chassériau (1819-1856), Dessins conservés en dehors du Louvre, Cahiers du dessin français, n° 5, Paris, 1988, n° 39.

L’artiste Théodore Chassériau, reconnu comme l’un des grands représentants de l’époque romantique, décède précocement à l’âge de 37 ans de la tuberculose. Fils d’un diplomate français que les activités consulaires avaient entraîné dans les Caraïbes, le jeune Théodore, né d’une mère créole, ne demeure que peu de temps sur l’île de Saint-Domingue, rejoignant Paris à l’âge de trois ans. Manifestant très jeune un goût pour le dessin, il entre, dès l’âge de onze ans, dans l’atelier d’Ingres à l’école des Beaux-Arts de Paris en 1830. Au départ de son maître, nommé directeur de l’Académie de France à Rome à partir de 1835, Chassériau encore trop jeune continue son apprentissage à Paris. Dès 1836, il présente des œuvres au Salon et rencontre un grand succès, en 1839, avec sa Suzanne au bain et sa Vénus Anadyomène (Paris, musée du Louvre, inv. RF 410 et RF 2262) qui furent particulièrement remarquées par la critique. C’est entre 1840 et 1841 qu’il effectue un séjour romain en compagnie du peintre Henri Lehman. Réputé pour ses nombreux portraits, ses décors d’églises parisiennes (Saint-Merri, Saint-Roch et Saint-Philippe du Roule), son grand cycle décoratif de la Cour des Comptes (détruit, en 1871, pendant la Commune dont les fragments restants sont conservés au Musée du Louvre), il incarne un romantisme très personnel, construit grâce au souvenir de la ligne initié par son maître Ingres et à la rencontre d’une palette chatoyante issue de son voyage en Algérie le rapprochant des compositions colorées de Delacroix.

Fig.1

Notre dessin, signé et daté de 1839, a été réalisé à l’aube de son séjour en Italie et correspond à une période de création encore empreinte des leçons ingresques. Marc Sandoz a publié une dizaine d’études dessinées, représentant des femmes et des enfants dans des paysages[1], que l’artiste a offert, pour une grande partie, à ses descendants ou à ses amis. Datant principalement des années 1839-1841, cette série de petites maternités[2], prises sur le vif ou composées en atelier, n’est reliée à aucun projet précis. Nous pouvons rapprocher plus particulièrement de notre feuille deux études exécutées à la même date et de technique similaire : Deux femmes dans un paysage dont une est assise et porte un enfant[3] (fig. 1, marché de l’art) et Une jeune mère et deux enfants dans un paysage (fig. 2, collection particulière)[4].

Fig.2

À la suite de son maître, Théodore Chassériau puise son inspiration dans les modèles de la Grèce antique et de la Renaissance italienne pour camper ses figures féminines monumentales et sensuelles. Il reprend également les traits de membres de sa famille ou de ses amis afin d’esquisser leur visage comme ceux de ses sœurs Adèle et Aline. Ainsi, le profil de la jeune femme de notre étude pourrait être celui d’Adèle auquel Un double portrait de la sœur aînée de l’artiste pris sur le vif dans les années 1841-1843 fait écho[5].

Sujet païen ou religieux ? Empreinte d’une poésie bucolique, cette image dégage une grande douceur dans ce geste d’amour filial et maternel : l’empressement de l’enfant se dressant sur la pointe des pieds pour offrir une fleur à sa mère, la tendresse des regards échangés et la main de la mère délicatement posée sur la tête de l’enfant. Devant cette manifestation d’affection, plusieurs lectures peuvent être envisagées. Nous pouvons y voir, en premier lieu, une évocation du Printemps, la scène se déroulant devant un champ de blé en fleurs et l’enfant apportant, par son geste, la preuve du renouveau de la nature à sa mère. Dans un second temps, le détail du voile blanc immaculé couvrant la chevelure de la jeune femme pourrait faire allusion à Marie et la fleur portée par l’enfant « Jésus » pourrait être un lys, symbole de pureté.

Quoi qu’il en soit, ces deux thématiques mettent toute deux en évidence la renaissance et la pureté de la Nature. Si l’influence ingresque se fait toujours sentir dans la précision de la ligne contournant les figures, le paysage printanier préfigure par sa liberté et sa simplicité les créations de Pierre Puvis de Chavannes, Gustave Moreau ou Maurice Denis.

En dépit des années qui nous séparent de sa genèse, le parfait état de conservation de cette feuille permet d’apprécier l’œuvre telle que son créateur l’a conçue. La couleur bleu céleste du papier n’a pas été altérée et révèle le travail de l’artiste qui utilise la tonalité du fond en laissant en réserve certaines zones pour accrocher la lumière et dessiner au crayon noir les volumes des personnages soulignés de gouache blanche.


[1] Cf. Marc Sandoz, Portraits et visages dessinés par Théodore Chassériau, Cahiers Théodore Chassériau II, Paris 1986, p. 142-153, n° 140-150.

[2] Léonce Bénédite, Théodore Chassériau, sa vie et son œuvre, manuscrit inédit publié par André Dezarrois, 2 vol., Les éditions Braun, Paris, 1931, vol. 1, p. 132.

[3] Cf. L.-A. Prat, op. cit., 1988, n° 35 et M. Sandoz, 1986, n° 140, p. 142-143, aujourd’hui à la galerie Pia Gallo Llc, New York.

[4] Cf. L.-A. Prat, op. cit., 1988, n° 38 et M. Sandoz, 1986, n° 141, p. 142-143. Sandoz propose de voir le jeune garçon comme Chassériau qui se prenait pour modèle de temps en temps (cf. Le retour de l’enfant prodigue, 1836 ; Marc Sandoz, Catalogue raisonné des peintures et estampes, 1974, n° 26).

[5] Louis-Antoine Prat, Chasseriana : quelques œuvres de Chassériau réapparuesarticle de la Tribune de l’Art vendredi 15 mai 2020. Cf. Jean-Baptiste Nouvion, Chassériau : correspondance oubliée, Les Amis de Théodore Chassériau, 2014, p. 35, fig. 10.