Isidore Pils
Paris 1813 – Douarnenez 1875
Une femme assise tenant une cruche
Craie noire et blanche, estompe, sur papier bleu.
308 x 474 mm – 12,13 x 18,66 in.
Quand en 1871 Charles Garnier, qui travaillait à la réalisation de l’opéra depuis 1865, confia à Isidore Pils le décor du grand escalier de l’opéra Garnier, il s’adressait à un artiste confirmé, mais plus habitué à « peindre un régiment tout entier que le torse d’une Vénus[1] ». Ce fut la dernière grande œuvre de l’artiste, qui réussit à la terminer à peine deux mois avant l’inauguration de l’opéra. Il mourut quelques mois plus tard. Ayant toujours été d’une santé chancelante, il est probable que cette dernière grande réalisation l’acheva. Malgré sa fragilité, Pils avait été un grand voyageur. Outre l’incontournable séjour romain à la villa Medicis, il avait visité la Crimée et l’Orient où il avait suivi les troupes françaises et s’était rendu en Algérie de 1863 à 1865, juste après sa nomination comme professeur de peinture à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. Peintre d’histoire formé auprès de Guillaume Guillon Lethière et de François Edouard Picot, Pils s’intéressait aussi bien aux sujets religieux qu’aux sujets d’actualité, particulièrement militaires et, sous l’influence de ses voyages, à l’orientalisme. Professeur à l’Ecole des Beaux-Arts, il eut de nombreux élèves, parmi lesquels Clairin et Renouard qui l’assistèrent justement pour le plafond du grand escalier de l’Opéra et terminèrent même son ouvrage quand Pils dut s’aliter d’épuisement.
L’escalier se révéla être le véritable point de « condensation » du projet présenté par Charles Garnier, qui a pu écrire à ce propos : « L’Opéra, c’est l’escalier, comme les Invalides, c’est le dôme, et Saint-Étienne-du-Mont, le jubé ![2] ». Polychrome, constitué des marbres les plus précieux, il est conçu comme un théâtre et destiné à un public lui-même en représentation. Ses marches épousent la courbure de la balustrade en onyx et 30 colonnes de marbre accompagnent le regard du spectateur vers le plafond décoré dans ses quatre voussures de compositions allégoriques peintes sur toiles marouflées et éclairées par la verrière d’une lanterne. Les sujets que Pils choisit d’y développer en accord avec Charles Garnier sont Le Triomphe d’Apollon, La ville de Paris recevant les plans du nouvel opéra, Minerve combattant la force brute devant l’Olympe, Le charme de la Musique.
Notre dessin est une première idée du personnage de la Seine qui figure dans la fresque de La Ville de Paris, avec des différences notables cependant. On peut suivre l’évolution de ce motif en étudiant les différents dessins et études préparatoires connus[3].
D’une élégance qui évoque Prudhon, cette étude est aussi un efficace outil de travail. Les jeux de lumière qui varient en fonction des sources internes comme externes, sont savamment étudiés grâce aux rehauts de blanc et révèlent un savant métier de décorateur.
[1] Charles Garnier, Le Nouvel opéra de Paris, Paris, 1878, dans Jacques Foucart et Louis-Antoine Prat, Les peintures de l’opéra de Paris de Baudry à Chagall, Paris, Arthena, 1980, p. 153
[2] op. cit. p. 147.
[3] Une Étude pour la Seine sur papier bleu se trouve dans une collection privée ; deux esquisses à l’huile sur toile de la même figure sont passées en vente, l’une chez Sotheby’s Paris le 25 juin 2008, lot 30, l’autre chez Tajan, le 25 mars 2010, lot 149. On remarque que l’artiste cherche pour cette figure et son attribut (la cruche) la meilleure position possible. On reconnaît ici aussi dans la dernière citée le modèle féminin qui est aussi celui de notre étude.
Constat d’état – Excellent état général.